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Trophée d'honneur


Melanie AUFFRET, Réalisatrice du film "Les petites victoires"

925 562 spectateurs pour le second film de Mélanie Auffret, "Les Petites Victories".


Est-ce une surprise ?


Rien n'est moins sûr !


Bienveillant, tendre et drôle, le film des Petites Victoires, porté par une réalisatrice authentique Mélanie Auffret et des acteurs de talents : Julia Piaton (Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu, Jour J) pour son tout (premier) premier rôle.


Alice, maire d'une commune de campagne et institutrice, dont l'un des bancs de l'école sera occupé par Michel Blanc (doit-on réellement citer ici ses nombreux films?), dans un second rôle d'une belle justesse.


Les enjeux de la désertification, l'illettrisme, deux sujets abordés qui ont attiré l'attention de la rédaction.


C'est donc en pleine promotion du film, entre deux trains, dans les superbes salons du Train Bleu, que la pétillante Mélanie Auffret répond à toutes nos questions.


Un échange plein d'humour et de simplicité.


A l’heure où certains désertent les campagnes, ce second film “Les Petites Victoires” semble confirmer votre amour de la ruralité !


J'ai vraiment un réel amour pour ce qui se passe en campagne et pour les rapports qui s’y jouent.


Je trouve qu’ils y sont d'une grande authenticité.


Quand on fait un film, on a forcément tendance à y mettre de soi et “Les petites victoires”, c’est finalement un concentré de gens que j’aime.


Des gens de la vie, des gens qui font partie de ma vie, que j’ai voulu ici mettre en lumière.


Le personnage de Janine est un concentré de mes deux grands-mères originaires de ce monde rural.


Ces rapports sont très intéressants à raconter au cinéma.


Ce sont des sujets rarement traités ou qui de prime abord, ne sont pas très vendeurs, alors qu'au contraire il n'y a que de l'humain.


Et je crois qu’aujourd'hui, plus que jamais, on a besoin d’humanité.


Quelle vision aviez vous des collectivités locales, avant de faire le film ?


Elle était très floue.


Je suis originaire de Plescop, une ville de plus de 5000 habitants.


Ma mère siège pourtant au conseil municipal.

Je ne pensais pas à la charge administrative et au dévouement.


Je ne me rendais pas compte de tout cela.


Mes recherches m'ont ouvert les yeux.


Les maires ne sont pas que des élus.

Pour moi, ce sont des héros du quotidien qui se pensent ordinaires alors qu'ils sont extraordinaires par leur action.


Avez vous constaté, pour les maires et leurs missions, un avant/après Covid ?


En faisant ce travail de terrain qui m'a pris deux ans, j’ai constaté que la charge des maires, qui était déjà très lourde avant Covid, a amplifié terriblement sur plusieurs points.


Tant qu’on ne s'intéresse pas aux maires, on ne se rend pas compte des responsabilités qu'ils portent.


Comment avec vous étudié les collectivités pour “Les Petites Victoires”?


Le pitch des “Petites victoires” est né après lecture d’un article de journal évoquant le maire d’un petit village dont l’école allait fermer.


Il manquait cinq enfants pour atteindre les effectifs.


Le jour de la rentrée, les cinq élèves manquants étaient présents mais ils s’agissaient de moutons du village !


En partant de là, je me suis dit, et si au lieu des moutons nous mettions en scène des personnes qui retournaient apprendre à lire et écrire pour combler les effectifs ?


J’ai suivi une vingtaine de collectivités en débutant mes recherches en Bretagne.


J'ai lu pas mal de livres, notamment Pierre-Emmanuel Begny, « Chers Administrés, Si vous saviez ».


J'ai essayé de comprendre ce qui causait la désertification.


Donc je commence par faire un gros travail de recherche pour comprendre comment fonctionnent les collectivités, comment fonctionnent les communes, pourquoi une école risque de fermer, et pourquoi c'est si important, une école dans un village ?


Essayer de comprendre aussi les différents poids et partis politiques.


Parce que finalement, ce qui est assez fou, c'est que malgré le fait qu'on soit une petite commune, il y a quand même de la politique.


J’ai assisté à des conseils de communautés de communes, j’entendais les problématiques de SCOT, de SRADDET, entre autres.


Deux thèmes ressortent alors de cette étude: le rôle des maires dans les petites communes et l'illettrisme.


Je commence à lister les maires, le rectorat, des instituteurs que j'aimerais rencontrer où les écoles ont fermé.


L'un d'eux qui m'a expliqué que son école avait fermé parce que la compétence scolaire était à la communauté de communes.


Alors qu'aujourd'hui, en général, la compétence scolaire est au maire.

Pour mon scénario, ça m'intéresse !


Je prends ma voiture et je fais un petit périple et je vais de village en village dans toute la France, avec mon carnet, mon appareil photo et je vais juste essayer de rencontrer du monde.


Dès qu'il y a un village qui m'inspire, je m'arrête, je vais à la mairie, je discute avec la secrétaire de mairie et je me rends compte qu'elle a un rôle indispensable.


Si je veux avoir un rendez-vous avec le maire, s'il y a un café ou un commerce dans le village, le maire va forcément y “passer une tête”.


Au fur et à mesure que le temps avance, je commence moi-même à mieux comprendre comment fonctionne un village.


J'ai également rencontré l’un des plus vieux médecins bretons, tout dernier de sa vallée, et sur 25 kilomètres à la ronde : il m'explique son travail, son rôle.


Il me parle de la désertification, de son regard par rapport à la collectivité, par rapport aux élus.


C’est ainsi que j’ai construit les Petites victoires, en allant à la rencontre de tous ces acteurs des campagnes et en accumulant des anecdotes.


On entend dans la réalisation du film cette proximité.


Il est difficile de parler de sujets lourds tout en apportant de l'humour.


Vous avez réalisé un film tendre qui aborde ces problématiques en mettant en lumière les maires des petites communes.


Je me suis rendu compte aujourd'hui que d'être maire d’un petit village, c’est plus qu’une fonction, c’est un dévouement.


Vous êtes à la fois le technicien de voirie, le technicien EDF, le psychologue, et comme dans la scène du film, le sexologue parfois (et cela arrive bien plus souvent qu’on ne le croit ! rires).


Parlons des maires.

Vous avez échangé avec une vingtaine de collectivités.

Avez-vous pu ressentir des revendications communes ?


Il y a une charge psychologique qui est très lourde.


Je suis assez admirative devant ces maires qui tiennent.

Je n'ai utilisé pour le film que 20 % de tout ce que j'ai pu voir.


On ne pense pas assez qu'un maire à la campagne, s'il y a un accident de voiture ou un décès, c’est lui qui est appelé.


Certains élus ne sentent pas d’autres choix que de repartir aux élections parce que le flambeau n’est pas repris.


Un maire m'a chamboulée complètement.


Ancien adjoint, il s'est présenté en 2014, élu avec l'ambition de révolutionner le territoire.


Il a proposé que son indemnité de maire soit baissée.


La secrétaire de mairie, qui était là depuis 40 ans, lui avait contre indiqué.


En plus d'être maire, il était agriculteur de vaches laitières.

Être agriculteur, c'est du sept jours sur sept.


À sa prise ses fonctions, il a embauché un salarié pour le remplacer un jour par semaine à la ferme sur son temps de mairie.


Il perdait de l'argent tous les mois à être maire et à être agriculteur.


Je l'ai rencontré en 2019, épuisé, sans parler de la pression familiale, sa conjointe ayant des difficultés à comprendre ses choix.


Il n'allait pas repartir pour un nouveau mandat en 2020.


Je lui ai donc demandé ce qu’il retenait de son mandat:


“Je suis arrivé avec l'envie de révolutionner la vie de mon village, de changer la vie de mes administrés.

Mais j'ai appris une chose, je suis parti avec des petites victoires”


Il aurait pu penser à tout ce qu'il n'avait pas réussi à faire, mais ce sont souvent ces petites victoires qui sont les plus belles.


C’est amusant, quand j’y pense.


Depuis que j'ai rencontré ce monsieur, je pense beaucoup plus à mes petites victoires.


Et elles sont incroyables, ce sont celles qui nous font tenir.


Comment avez-vous réalisé ce film ?


Mon tracas, vraiment, c'est de ne pas être fausse.

Que le film sonne juste et authentique.

C'est très dur à raconter au cinéma.

Comment raconter du réel, comment créer le réel dans de la fiction ?

Nous avons donc tourné le film dans un petit village, le Juch, à côté de Douarnenez, où j'ai fait installer une caméra pendant 72 h pour comprendre le rythme du village:


Quels sont les rendez-vous sur la place, à quelle heure passe le facteur, à quelle heure les parents déposent leurs enfants à l’école, quels enfants sont en retard, est ce qu’un camion laitier passe et à quelle heure ?


Tous les dimanches matins, un groupe de cyclistes passaient en ville, je les ai donc invités à traverser la place pour une scène du film.

Julia Piaton, qui interprète la maire et l’institutrice, a aussi fait ce vrai travail de terrain, comme moi.


Elle a passé du temps avec son cousin, maire d'un petit village en Normandie, ainsi qu’avec un ami devenu maire juste avant le tournage près de Fontainebleau.


Elle a donc fait des stages avec eux, notamment enlevé des chauves-souris dans le grenier d'une petite dame.


Elle a vraiment fait ce travail de maire, mais également de maitresse d’école avec une institutrice qui m’avait beaucoup inspirée.


Pour ma part engagée écologiquement parlant, avant la crise sanitaire, j’ai voulu que ce tournage se fasse de manière beaucoup plus propre que pour le film précédent Roxane, en 2019.


Un véritable succès devant le nombre de spectateurs dès la première semaine de sortie en salle : 250 364 en plus du prix du Public à l’Alpes d’Huez.


Nous en sommes très heureux.


On est rendu à 426 000 places. (ndlr: plus de 900 000 entrées mi avril) C'est génial et ça fait du bien.


Mais avant tout, c'est un travail d'équipe, un concentré d'amour, un concentré d'énergie.

Et il y a surtout ce que je trouve fabuleux et qui me fait vibrer: une tournée incroyable.


Nous avons présenté le film dans 85 petits villages de France, on a vraiment raconté une histoire avec la tournée.

On a donné l'exclusivité aux petits cinémas, aux cinémobiles, avec un certain succès !


Quand on sort un film, on a tendance à aller donner l'exclusivité aux grandes villes. Et moi-même je voulais traverser la France en vélo pour aller présenter le film.


La production m’a alors proposé l'alternative d’aller dans les petits cinémas qui n'avaient jamais eu d’avant-premières.


J'adore écouter le public.


Je crois que ce que je préfère dans une projection, c'est être une petite souris et venir écouter derrière les réactions.


Des rires m’ont par exemple forcé à repenser le montage.


C'est ça qui est très précieux.


Quel message souhaitez-vous adresser aux maires ?


J’ai envie de leur dire: ne perdez pas la foi.


Votre mission est indispensable, ne cessez jamais de penser aux sourires que peuvent vous donner vos administrés, qui peuvent valoir 1000 fois les grandes victoires.


Ces sourires, ce sont vos victoires du quotidien.


Je décrirai les maires comme une église au milieu du Bourg.


Si les maires ne sont pas là, la société bascule.


Il n'y a plus de curé, plus de médecins.


Le Maire, c'est une institution.


Propos recueillis par Rozenn Kernanet

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